Source : https://www.corsicamea.fr/bandits/bandit-bartoli.htm
Joseph BARTOLI, fils de Paul, et de Erminie Santoni, petit fils de Ghjaseppu dit Manetta (*) est né à Palneca, un village de la haute vallée du Taravo, le 17 janvier 1902.
Fortement éprouvé par l’influence dévote de sa mère Erminie Santoni, qui le contraint à porter la bure il développe en lui une sourde violence, qui le prédispose à la carrière de bandit. Il a d’ailleurs de qui tenir puisque son père, Noël, avait déjà été condamné à plusieurs reprise, notamment pour homicide et avait du garder le maquis pendant pendant longtemps. Sur son lit de mort en novembre 1928, Paul Bartoli avoua le meurtre du brigadier de gendarmerie Cadot assassiné quelques mois auparavant, le 22 avril 1928.
En 1920, à l’âge de 18 ans, Joseph Bartoli s’engage dans le régiment d’infanterie coloniale stationné à Toulon. Pour une banale histoire de femme, il commet son premier crime en assassinant le caporal Biancardini en compagnie de Jean Santoni, originaire lui aussi de Palneca.
En 1923, la cour d’assise du var condamne Santoni à 20 ans de travaux forcés mais Bartoli, qui a réussi à se constituer un alibi, est acquitté. Il quitte l’armée et se rend au Maroc où il y exerce la profession de chauffeur qu’il abandonne au mois de novembre 1926, après une affaire de coups et blessures, pour revenir au pays natal.
Rentré en Corse, il prend, en association avec Paul Leonetti épicier à Ciamanacce, l’adjudication du service d’autocar entre Ajaccio-Ciamanacce-Palneca mais gêné par la concurrence de Paul Mariani qui exploite la ligne Ajaccio-Zicavo-Cozzano, il tente de l’assassiner à plusieurs reprises. Le 03 décembre 1927, ce dernier, blessé à la jambe et au bras, décide de se retirer. Bien que fortement soupçonné, Bartoli ne sera pas inquiété.
C’est sa maîtresse, Marie-Rose Gabrielli (qu’il a séduit et enlevé à Ciamanacce en juillet 1927) qui, prétextant avoir été éconduite par Paul Leonetti (le poussera à devenir bandit ce 20 mai 1928 lorsqu’il criblera de chevrotines, le corps de son malheureux associé avec lequel il commençait par ailleurs à avoir des différents d’ordre financier.
Devenu hors-la-loi, Bartoli s’enfuit vers Ajaccio et fréquente régulièrement le bar Laurent à Aspreto, repère des mauvais garçons. Là, il se lie avec Paul-François Perfettini, un autre voyou issu des bas-fonds Marseillais.
Le 07 mai 1928, en compagnie de Perfettini, il participe à l’attentat du clos des roses à Porticcio, un vol à main armée qui n’était pas dans les habitudes Corses et qui souleva l’indignation générale dans la région.
Le 29 mai, à Lava, avec ses amis Perfettini et Dominique Santoni, il participe au triple assassinat d’Antoine Mancini et de ses deux fils, Jean-Marie et Michel.
Tandis que Perfettini est abattu dans son village de Vezzani le 10 août 1928 par le gendarme Bustori son cousin, Bartoli (que l’on surnomme à présent « Manetta » comme son grand-père) vit dans le luxe et l’argent facile grâce aux vols, aux exactions, aux rackets et terrorise la région du Taravo, imposant sa loi, faisant régner sa justice et bravant les gendarmes et le préfet.
C’est à Palneca, au cours de l’année 1929 que Bartoli fait la connaissance de Bornea, un gendarme révoqué de 24 ans qui exerce le métier de forgeron et c’est avec lui que le 17 janvier 1930, il arrête une première fois la voiture d’Ange Marsilij qui assure le service de transports en commun entre Ajaccio et Zicavo et le contraint à payer une rançon de 3000 F. Victime d’un racket de plus en plus exorbitant, Marsilij finira par quitter la Corse.
Bartoli est particulièrement craint. L’aura de Romanetti le hante. Les hommes politiques qui voient en lui un allié sûr et influant font appel à ses services. Aux élections sénatoriales de 1930, il favorise la curieuse élection de Paul Lederlin, grand industriel du textile et ex-Sénateur des Vosges, qui ne manque pas de lui prouver sa reconnaissance en espèces sonnantes et trébuchantes.
Le 09 juin 1930, pour se justifier de ses actes auprès de la population, il fait publier dans le journal « L’Eveil de la corse« , quotidien appartenant à François Coty, un texte qui en dit long sur son état mental.
Le 16 juin 1930, dans une note adressée à F. Sanguinetti, exploitant forestier à Marmano, Bartoli et Bornéa ordonnent la cessation immédiate des travaux sous peine de mort. Le chantier est aussitôt arrêté et malgré les négociations entreprises, Sanguinetti devra s’acquitter d’une forte somme d’argent pour avoir l’autorisation de poursuivre sans craintes son activité.
– Le 29 avril 1931, deux gendarmes qui conduisent un repris de justice à la brigade de Ciamanacce, sont interpellés à Palneca par Bartoli qui leur reproche de porter les armes malgré son interdiction; Sans autre forme de procès, il leur tire dessus à bout portant et les achève d’une balle dans la tête. La population du village, terrorisée, n’a rien vu et rien entendu. Bartoli ne sera pas inquiété!
Après avoir mis fin à son association avec Bornéa pour des raisons obscures, celui qui se fait appeler désormais le roi de Palneca, s’est constitué une bande particulièrement bien armée et fort se son invincibilité, n’hésite pas à rançonner le grand hôtel et Continental d’Ajaccio, les consulats d’Angleterre et d’Italie. Au cours d’une rencontre avec Spada qui le méprise en le traitant de « bandit de grand chemin », il est grièvement blessé par ce dernier. Transporté à Ajaccio par François Tolinchi, maire de Santa Maria Sicchè, soigné en grand secret à l’hôpital d’Ajaccio, il récupèrera assez de force pour rejoindre le maquis.
Le 18 mai 1931, il fait publier dans le journal « l’Eveil de la Corse« , une mise au point détaillée de ses activités de bandit dans laquelle il avoue ses fautes et celle qu’il n’a pas commises.
Le 31 juillet 1931, Bartoli Bartoli s’oppose par voie de presse, à l’exploitation du service Ajaccio-Sartène par les transports Ollandini: « … je préviens le public que j’interdis la circulation des voitures Olladini et fils de Propriano, pour une affaire me concernant personnellement. J’espère que les voyageurs ouvriront les yeux et prendront garde à ce qui pourrait se produire au cours de la route. Danger de mort. Car je déclare ici que je dois faire feu sans sommation sur les voitures Ollandini circulant en Corse…« .
Son interdit ne sera levé en août qu’après le paiement d’une forte rançon. Ce jour là, « l’Eveil de la corse » publie un courrier que Bartoli à authentifié par son cachet: » Monsieur le Directeur, les Ollandini de Propriano peuvent reprendre le service sans crainte ni danger; un malentendu s’était produit entre nous, mais après un entretien suis-je décidé à laisser la route libre à cette famille…« .
Le 06 novembre 1931, le cadavre de Bartoli, dont la courte vie (il avait 31 ans) avait été jalonnée de 14 meurtres, est découvert en bordure de route du Col de Verde, dans la forêt de Marmano où il s’était établi. Les deux énormes crucifix qu’il portait sur lui n’avaient pu arrêter les balles de Simonetti, une des principales victimes de ses nombreux « racketts ».
Les habitants du haut Taravo étaient à présent soulagés.
Voici l’exemple d’une lettre de menaces envoyée en 1931 par Bartoli au préfet de la Corse de l’époque, Camille Seguin: (il est à noter que le bandit authentifiait toujours son courrier par le sceau qu’il s’était fait fabriquer).
« Le bandit Bartoli et Cie
à Monsieur le préfet de la Corse
Je protège mes amis comme ils m’aident et me protègent. J’en ai dans le canton de Zicavo et dans le canton de Sainte-Marie, où il doit y avoir bientôt des élections, et l’on me dit que vous vous laisseriez aller à les contrarier. Je suis donc obligé de vous donner des ordres qui seront brefs. J’espère que si vous tenez à parcourir ce pays, vous et votre famille vous les écouterez. Si donc, à Sainte-Marie comme à Zicavo, vous vous mêlez des affaires de mes amis, si vous protégez leurs adversaires, qui sont aussi les miens, vous resterez caché dans votre palais, vous et votre famille, et je prendrai mes dispositions pour vous empêcher de mettre le nez dehors et vous priver de l’air frais de Vizzavona.
C’est donc entendu et j’espère que vous ne me forcerez pas à mettre la main à la pâte et à faire subir le conseil de guerre aux gros légumes qui, même très gros, ne sont pas à l’abri de mes balles.
Je vous salue pour toute la bande de Zicavo.
Chef de bande: Bartoli.
Pour vérification de mon écriture et du cachet royal, s’adresser au parquet. Si vous êtes préfet à Ajaccio, moi je suis gouverneur du canton de Zicavo et de Sainte-Marie en Corse ».
(*) Quelques mots sur son grand-père Joseph Bartoli –Ghjaseppu dit « Manetta » (petite main ou la main agile).
La famille Manetta était constituée d’une longue parentelle et régnait en maîtres sur le village de Palneca dont « Manetta » a été maire de 1878 à 1885 et de 1896 à 1909.
En 1881, il soutient la candidature au Conseil Général, d’Emmanuel Arène qui obtiendra 107 voix (contre 0 voix pour Charles Abbatucci de Zicavo).
En 1884, avec ses partisans, il se barricade dans « sa » mairie et empêche ses adversaires d’y pénétrer. L’affrontement se termine à coups de fusils, des morts et des blessés sont à déplorer, mais l’honneur est sauf !
Dans un entretien accordé au Journal de la Corse, Manetta déclare: » Plusieurs fois déjà, au cours de ma longue et tourmentée carrière politique, j’ai eu les honneurs de la presse insulaire. On a parlé de mes qualités de prestidigitateur électoral, on m’a qualifié d’Arsène Lupin de la politique. On m’a enfin assuré ma place dans le Grand Larousse, tout à côté de Berthelot, et j’espère bien qu’à la prochaine édition l’auteur me demandera ma photographie dédicacée ».
Le Larousse, en effet, définit le personnage ainsi: » Manetta: célèbre pour ses fraudes électorales ».